mardi 11 décembre 2012

Psychanalyse de l'Espagne

Avant de débuter tout blog sur l'Espagne, il est des choses à savoir sur ce magnifique pays, un peu de son histoire, de ses coutumes et de son parcours pour comprendre comment on en est arrivés à ça. Pour cela, il nous faudra sonder le moi et l'inconscient collectif, fouiller les recoins de l'esprit espagnol, nous interroger sur ses multiples identités et analyser les actes pour comprendre de quelles névroses générales souffre la péninsule. En fait, en procédant à une sorte de thérapie psychanalytique, on finira par mieux comprendre. 

Le Maroc, le Ça espagnol

Remontons donc plus de cinquante ans en arrière pour découvrir un tout autre pays. Au sortir de la seconde guerre mondiale, l'Europe occidentale se reconstruit et bénéficie du tant vanté plan Marshall pour redresser son économie. Toute ? Non. Un grand pays est laissé de côté. Il fut neutre pendant la guerre, ayant lui-même souffert une terrible guerre civile, il est oublié par les Alliés, qui finiront par reconnaître son dirigeant Franco que plusieurs années plus tard. 
En attendant, voyager dans cette Espagne des années 40 ou 50 donnerait des images très éloignées du pays d'aujourd'hui, moderne et totalement intégré dans l'Europe. A cette époque-là, l'Espagne ressemblait beaucoup plus au Maroc qu'à la France, et on en garde une certaine trace aujourd'hui dans ce qui constitue l'inconscient du pays. 

Difficilement concevable que Maroc et Espagne aient quelque chose en commun. Ce sont pourtant des pays voisins, héritiers d'une histoire souvent partagée, et si les cultures sont différentes et les relations bilatérales cordiales (mais sans plus), Espagne et Maroc sont de proches partenaires économiques. 
D'ailleurs, économiquement, Maroc et Espagne ont en commun une certaine importance du secteur agricole et des matières premières. Chacun souffre de l'économie souterraine et ce, dans les mêmes proportions. Le chômage est un fléau des deux côtés du détroit de Gibraltar, ainsi que le manque de perspective pour les jeunes diplômés. 
Si Maroc et Espagne ont tant de difficultés en partage, c'est que le Maroc représente, d'une certaine façon, l'ancien visage de l'Espagne. Plus modeste, peu avancé, peu démocratique, cette Espagne-là, que d'aucuns appellent Españistan, disparaît car la majorité des Espagnols veut clairement aller de l'avant. Et si les plus anciens peuvent encore témoigner de cette autre époque, tout le monde a par la suite adhéré en masse au projet européen.

Le Moi espagnol et le modèle français

La mort de Franco, en 1975, annonce la nouvelle Espagne. Celle qui doit se réinventer après être passée de la monarchie bourbonienne à la dictature, puis à la République et de nouveau la dictature. La stabilité politique ne s'est jamais conjuguée à la démocratie, et c'est à cela que s'attache la majorité des citoyens après la mort du Caudillo : libertad, libertad
On devra beaucoup au roi Juan Carlos, à la volonté du peuple espagnol de s'exprimer et aux hommes politiques de trouver un modèle permettant l'union des Espagnes dans leur diversité. 

Mais l'entrée dans l'Europe (1986) augure une nouvelle ère : libéralisation de l'économie, industrialisation et amélioration des services, construction des infrastructures, instauration de la protection sociale... En trente ans, l'Espagne passe littéralement du tiers monde à la C.E.E par la grande porte. Et le seul modèle économique qu'elle a et qui lui semble réalisable, c'est la France. Car les entreprises françaises sont nombreuses à s'installer en Espagne, car la politique du TGV, du minitel, de la carte à puces et du nucléaire, ça fait un peu rêver de ce côté-ci des Pyrénées. On veut faire partie de l'Europe à tout prix, quitte à s'inspirer du grand Autre lacanien que constitue la France pour l'Espagne. Malheureusement, les choses ne vont pas se dérouler comme au pays de Voltaire et Rousseau.

Une sorte d'hystérie collective s'empare de la population après la crise du début des années 90. José María Aznar arrive au pouvoir pour rassurer les Espagnols : oui, nous sommes un grand pays, oui, nous pouvons devenir puissants, oui, nous pouvons devenir prospères. "Enrichissez-vous" aurait-il pu dire, quand des millions d'Espagnols succombent à la mode du moment, l'immobilier. Sauf que. L'immobilier n'est pas un secteur de pointe. L'immobilier embauche, mais ne favorise pas l'emploi diplômé. L'immobilier n'exporte pas, l'immobilier ne rapporte pas à tout le monde et l'immobilier favorise malgré lui la corruption et le clientélisme. 
L'Espagne, sans s'en rendre compte, prend le mauvais chemin et, comme les Etats-Unis, se prend la crise de 2008 dans la figure. Arrive en 2010 le Surmoi allemand.

Le Surmoi merkelien

De l'Espagne grandiose de 1992, avec les Jeux Olympiques de Barcelone et le train à grande vitesse pour l'Expo universelle de Séville ; De l'Espagne arrogante d'Aznar, engagé en Irak et contre le Maroc pour une île ridicule ; De cet Ego espagnol, il reste un pays qui abandonne petit à petit sa souveraineté, a perdu de sa superbe mais garde la fierté de ces florissantes années passées. Et qui doit pourtant se résoudre à obéir aux ordres du Surmoi allemand, qui décide de Berlin ou de Bruxelles du sauvetage de certaines banques espagnoles, celles qui doivent leur dette en grande partie à Francfort. Un vrai capharnaüm qui ne fait que blesser plus encore le Moi espagnol outragé par cinq années de crise. C'est au point de se demander si un jour, ce Surmoi exigeant ne finira pas par révéler au reste du monde ce que, au fond, tous les Espagnols redoutent : que l'inconscient collectif se réveille, que cette vieille Espagne aux allures d'Españistan finisse par resurgir. De quoi, à coup sûr, repartir comme en 40. ou 36.

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