dimanche 9 décembre 2012

Changer de génération

C'est un des problèmes les plus complexes à régler, semble-t-il. La fameuse génération "ni-ni" espagnole, celle qui n'a ni étudié ni travaillé, entre dans la vingtaine en regardant vers l'étranger, prête à partir. Restent des millions de jeunes espagnols aujourd'hui au chômage qui n'ont d'autre choix que d'attendre quotidiennement devant la télé ou les jeux vidéo que quelque chose réveille ce pays de sa léthargie économique. 

Ajoutez à cela la génération d'adultes, la majorité : celle qui a connu voire contribué à restaurer la démocratie en Espagne, dont certains gardent leur poste tandis que d'autres souffrent du chômage partiel, doivent partir en pré-retraite, acceptent des baisses de salaire ou se voient tout simplement jetés à la porte avec de maigres indemnités grâce à la énième réforme du travail votée par l'actuel gouvernement, qui donne tous les prétextes aux entreprises de faire des ERE (plans sociaux). Toute cette génération a déjà souffert deux crises, dans les années 80 et 90, et pensait depuis que le pays ne connaîtrait plus la misère. 

Et c'est là qu'on atteint la génération se trouvant au cœur du système, celle des retraités. De plus en plus nombreux, de plus en plus vieux, de plus en plus dépendants et exigeant de plus en plus de soins. Malgré tout cela, ce sont bien aujourd'hui les retraités qui font vivre des millions de familles espagnoles. 

Plusieurs générations, une pension

En Espagne, un contrat tacite semble stipuler que les adultes prennent soin de leur progéniture jusqu'à ce que celle-ci puisse voler de ses propres ailes. Et même après. Combien de fois ai-je travaillé avec des collègues, la trentaine atteinte, apportant dans leur tupperware de midi les bons petits plats que maman avait faits ? Combien en connais-je qui vivent encore chez leurs parents ? Des choses vues comme un manque de maturité, de responsabilité ou d'indépendance face à ses parents en France sont monnaie courante en Espagne.

Le contrat stipulait traditionnellement qu'ensuite, les mêmes enfants prenaient soin de leurs anciens jusqu'à leur mort. Or, bien évidemment, la société change, et si les jeunes d'antan avaient les moyens de prendre soin de leurs ancêtres, difficile aujourd'hui de trouver un revenu décent permettant de faire vivre toute une maison sans se soucier de savoir comment l'on finira le mois. 

Apparaissent alors des foyers curieux, en nette augmentation depuis 2010 : ceux où plusieurs générations vivent grâce à la retraite d'un grand-parent. Les 20-30 étaient les premiers à souffrir de la crise du chômage, voici donc aujourd'hui les 40-50 ans qui reviennent au bercail, celui-là même qui avait été abandonné il y a si longtemps. Et il faut même dire que, pendant que vous perdiez votre emploi, votre salaire et votre maison, vos parents coulaient une douce retraite. Les retraités ont réussi à maintenir voire à améliorer leur niveau de vie depuis 2008. Ils n'ont pas perdu de pouvoir d'achat et sont même devenus plus consommateurs que les jeunes. En cinq ans, seuls les ménages où vivaient un ancien ont augmenté leurs dépenses. Pas étonnant, donc, que les retraités espagnols soient jubilados...

C'est simple, aujourd'hui le salaire moyen s'approche de plus de plus dangereusement de la pension moyenne, et celle-ci ne devrait qu'augmenter, puisque les retraités seront de plus en plus des ex-travailleurs bien formés, gagnant un haut salaire. 

Il ne s'agit pas de contester la légitimité des retraités espagnols : ils ont travaillé toute leur vie et méritent leur retraite. Mais ils ne méritent sûrement pas de devoir entretenir leur famille ruinée. À ne pas toucher aux retraites, surtout les plus élevées, on finit par sacrifier les jeunes générations, en les privant du financement nécessaire aux études, à la création d'emplois, à la recherche et au développement. On entretient donc un cercle vicieux qui finit par déconstruire les bases mêmes du modèle familial espagnol. Le principe selon lequel les plus jeunes prenaient soin de leurs anciens en travaillant devient complètement obsolète lorsque l'inverse devient habituel.

Devant cela, le gouvernement Rajoy avait toujours promis qu'il ne taillerait jamais dans les retraites. Comme il avait promis de ne pas augmenter la TVA et de ne toucher ni à l'éducation ni à la santé. Les fausses promesses s'envolent, les décisions restent, notamment celle prise récemment de ne pas revaloriser les retraites en 2013. Une décision qui n'affecte en rien les retraites élevées mais finira par porter malheur aux millions de familles pauvres condamnées à vivre avec une maigre pension.

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